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Photo du rédacteurPascal Montel - Photo Actus

Zoom sur Sandra Kobanovitch : réalisatrice & photographe talentueuse

Quand on rencontre Sandra Kobanovitch, la première chose qui nous frappe, c'est le contraste saisissant entre la fraîcheur qui émane de cette jeune femme d'à peine 30 ans et la noirceur troublante de son art. Est-ce bien elle? On comprend très vite qu'à travers ses œuvres, elle exorcise ses démons et ses cauchemars, trouvant ainsi une catharsis artistique qui lui permet de vivre en apparence une vie normale et d'arborer ce sourire rayonnant. Seuls les tatouages qui jalonnent son épiderme trahissent certains tourments et nous confirment qu'il n'y a pas d'erreur sur la personne.


Car, il faut en parler, l'art de Sandra Kobanovitch est inextricablement lié à son existence chaotique. Voici le portrait d'une artiste pas comme les autres.


Sandra Kobanovitch
Autoportrait de Sandra Kobanovitch © Reproduction Interdite

Une enfance traumatique, matière première de son art.


Dès son plus jeune âge, Sandra Kobanovitch est confrontée à une tragédie familiale indélébile : la tentative de suicide de sa mère d'un coup de fusil dans la tête, un acte qui la laisse tétraplégique jusqu'à son décès quelques années plus tard.


Ce sombre prologue de vie éclaire d'une lumière particulière la violence et l'intensité qui imprègnent l'œuvre artistique de Sandra. On ne s'étonnera donc guère de retrouver dans ses créations des récits et des visuels marqués par une profondeur troublante et une certaine noirceur.


Jason Voriz par Sandra Kobanovitch

Portrait fine art

Car très tôt, l'art fait partie de sa vie : elle écrit, dessine, danse, filme (avec le vieux caméscope familial), elle prend tout ce qui lui tombe sous la main pour le transformer en art. Armée de son imagination débordante, elle rêve de cinéma, ou plutôt "d'écrire des histoires pour le cinéma" comme elle nous le raconte.


Mais au fin fond de son petit patelin normand d'à peine deux mille habitants, chez ses grands-parents qui l'élèvent à la dure, le cinéma n'a pas sa place. "Il faut être une fille de, toi tu n'es personne" lui assène son grand-père, comme une gifle. L'école ne l'aide pas davantage, bagarreuse et indisciplinée, allergique à toute forme d'autorité, elle se fait exclure de deux collèges et finit déscolarisée, sans diplômes.


De son village paumé jusqu'au Festival de Cannes


Et pourtant, Sandra s'obstine, têtue et déterminée, elle ne lâche pas son rêve insensé. Encore mineure, elle parvient à se faire une place dans un stage au studio Pygmalion, véritable institution dans la formation d'acteurs. À 18 ans, elle réussit la sélection exigeante du Cours Florent à Paris. Elle quitte enfin sa cambrousse!


Après quelques galères et jobs alimentaires, elle écrit, réalise et interprète son premier court-métrage à 22 ans "Scratch" l'histoire d'une jeune marginale qui sauve une vieille prostituée. Un film déjà social, sombre, profond.


affiche Scratch short film corner festival de cannes
L'affiche de Scratch, son premier film
Ce premier film sera présenté au prestigieux Festival de Cannes en 2015, dans la catégorie Short Film Corner. Une première consécration pour cette jeune artiste sortie de nulle part, en qui personne ne croyait, sauf elle. À Cannes, Sandra Kobanovitch n'est plus "la fille de personne" : elle est l'artiste que personne n'avait vu venir, mais que tout le monde désormais veut connaître.

Le film se distingue également par un traitement visuel audacieux, caractérisé par des gros plans et une palette de couleurs dérangeantes qui deviendront rapidement sa signature artistique. Cette qualité visuelle est d'autant plus remarquable quand on sait que "Scratch" a été réalisé avec des moyens plus que modestes. Autofinancé grâce à ses maigres économies, le film a été tourné en seulement trois jours, avec une équipe réduite à l'essentiel — cinq personnes, techniciens et acteurs inclus. Une prouesse qui témoigne non seulement de son talent, mais aussi de sa détermination sans faille.


Elle dirige Samy Naceri dans un rôle de taulard


Sandra Kobanovitch enchaîne très vite, l'année suivante, avec la réalisation d'un second film court, "Heliopsis", offrant au turbulent Samy Naceri le rôle touchant (et ô combien approprié) d'un détenu en réinsertion. Elle avait contacté le comédien au culot lors de son passage au Festival de Cannes. Il avait apprécié le scénario. Le film est en partie financé par la ville de Nanterre (Hauts-de-Seine), commune d'adoption d'une campagnarde devenue banlieusarde !

Sandra Kobanovitch confirme son talent de réalisatrice et de directrice d'acteurs dans ce film choral au casting uniquement masculin.

Samy Naceri dans le film de Sandra Kobanovitch Heliopsis
Samy Naceri dans l'un de ses meilleurs rôles

Là encore, elle signe un scénario poignant et donne à voir des images atypiques mélangeant contrastes frappants, couleurs chaudes et atmosphères sombres qui définissent sa signature visuelle. Voici la bande-annonce :



C'est précisément ces visuels singuliers qui séduisent le jury d'un festival Canadien (le Women in Film Festival de Vancouver) qui lui décerne le prix de la meilleure photographie (Best Cinematography Award). Faute de moyens, elle ne peut se rendre sur le continent américain pour la cérémonie de remise du prix, mais la fierté est là, son cinéma commence à parcourir le monde !


Des films à la photographie


Elle aussi part en vadrouille : c'est au cours d'un road-trip à travers l'Europe de l'Est que Sandra Kobanovitch explore et se perfectionne dans la photographie, la vraie. En traversant les paysages pauvres de la Bulgarie et de la Roumanie, elle révèle déjà son talent de composition et de cadrage qui ne laisse pas indifférent.

Expo photo noir et blanc bulgarie

Comme à son habitude, elle s'attarde sur les parias, les "moins que rien" que personne ne regarde, sauf elle. Sa vie tragique lui ayant façonné un regard sensible et empathique sur le monde. Prostituées, prisonniers, chiens errants, sont autant de modèles qu'elle apprécie photographier ou mettre en valeur dans ses films.


Engagée au-delà de son art, Sandra Kobanovitch consacre bénévolement son temps et son énergie à des causes humanitaires. Elle s'investit dans des associations d'alphabétisation en milieu carcéral ainsi qu'en faveur du bien-être des personnes âgées isolées.


Son incursion dans la photographie la pousse à explorer de nouveaux formats. Elle se lance dans la réalisation de "tableaux photographiques" plus ambitieux, réalisant des portraits lechés en studio et même les couvertures d'albums musicaux pour des artistes de la scène urbaine.


Couverture d'album musical

Photographe de magazine

Shooting cover album rap

Elle produit des images, fixes ou en mouvement, qui ne laissent pas indifférents : perturbantes pour certains, fascinantes pour d'autres. Sandra Kobanovitch marque les consciences de son empreinte. Elle remporte le prix TIFA (Tokyo International Foto Awards) en 2024 pour l'un de ses clichés (à lire sur Paris Normandie et Actu).

Enfin, en 2023, elle consacre son troisième et dernier court-métrage, "Donald", à un sujet qui la touche personnellement : L'histoire d'un gamin dérangé à qui on a caché le suicide de sa mère.

Voici la bande-annonce :

En abordant des thèmes aussi sensibles que le deuil, la famille et le handicap, ce film coup de poing s'impose comme son œuvre la plus intime et personnelle à ce jour, en lire plus sur ce nouveau film.


On est impatients de voir où l'audace créative de cette artiste hors normes la conduira ensuite !


👉 Retrouvez les films et photographies de Sandra Kobanovitch sur son site web : www.kobanovitch.com

Kobanovitch instagram
Autoportrait de Sandra Kobanovitch

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